Linda Rosencrance
Contributing Writer

Comment la Banque Scotia met l’IA en œuvre pour améliorer l’expérience client

Feature
Apr 06, 2022
Artificial IntelligenceBankingIT Leadership

La conjugaison de trois volets – donnu00e9es, analyses et intelligence artificielle — a permis u00e0 l’entreprise d’utiliser ces techniques pour amu00e9liorer son service u00e0 la clientu00e8le et ses opu00e9rations commerciales.

L’un des cinq grands établissements financiers du pays, la Banque de Nouvelle-Écosse utilise l’analyse de données et l’intelligence artificielle pour mieux comprendre et servir ses clients. La mission de Grace Lee, chef, données et analytique à la Banque Scotia : augmenter son efficacité et améliorer l’expérience client. Ses outils : intelligence artificielle, apprentissage automatique, et compréhension basée sur les données.

Les enjeux de la fidélisation sont élevés. La Banque Scotia compte plus de 10 millions de clients au Canada – particuliers et entreprises de toutes tailles — et 10 autres millions dans les Caraïbes et en Amériques latine et centrale. L’organisme emploie 90 000 personnes et ses actifs dépassent 1,2 billion de dollars.

La double application de l’IA chez Scotia

Depuis deux ans, l’entreprise s’est engagée dans une stratégie d’intelligence artificielle « extrême », explique Grace Lee : « Quand on voit d’autres organismes qui échouent, c’est parce que la technologie ne se traduit pas toujours en résultats tangibles. Chez nous, on parle donc d’IA « pratique ». En fait, il s’agit de mener les modèles numériques jusqu’au bout — de la conception au déploiement commercial ».

[ Read the English version: “How Scotiabank is implementing AI to improve customer experience” ]

En clair : la Banque intègre l’IA directement dans ses processus d’affaires et apporte des avantages réels aux intéressés. De multiples façons : en offrant aux clients de meilleurs conseils et des services plus personnalisés; en augmentant l’efficacité du personnel à mieux les servir; en aidant la Banque à prédire plus exactement les moments difficiles qu’ils peuvent traverser. « Avec ces technologies, on peut comprendre beaucoup mieux les comportements, besoins et préférences de la clientèle », dit Lee.

Grace Lee
Grace Lee, chef, Données et Analytique
à la Banque Scotia

Scotiabank

Et l’intelligence artificielle ne permet pas seulement à l’entreprise de faire progresser l’expérience client en « sachant » mais en « faisant » davantage : « Nous appliquons l’IA à tout ce qui est automatisation — des assistants virtuels aux autres outils et dans l’ensemble de nos opérations. »

Quant à la mise en œuvre, il faut comprendre que chez Scotia comme dans beaucoup d’autres institutions financières, on considère l’IA comme un moyen « d’augmenter » plutôt que de remplacer l’intelligence humaine, dit Lee. En fait, il s’agit d’intégrer la version artificielle à des processus naturels déjà existants.

« Il y a très peu de choses qui soient entièrement automatisées – qui ne nécessitent aucune intervention ni supervision humaine, dit la directrice. C’est l’une des grandes leçons que nous avons tirées dès le début, lorsque nous nous sommes lancés dans l’intelligence artificielle au lieu de l’intelligence « assistée ». Nous avons vite compris que l’adoption de ces techniques par le personnel — et l’impact sur les clients — même avec des modèles ultra perfectionnés, ne donnait rien d’extraordinaire. Les résultats, c’est par la collaboration homme-machine qu’on y parvient. »

Utilisations concrètes de l’IA chez Scotia

L’entreprise travaille entre autres au traitement automatisé du langage (TAL) pour aider ses clients. Dans la première phase du projet, la Banque cherche à créer un assistant virtuel pour répondre aux foires aux questions, explique Lee. Cette fonction doit permettre aux gens d’obtenir des renseignements, sur les produits et les prix par exemple, sans devoir attendre qu’un agent soit disponible — surtout lorsqu’une interface intelligente peut très bien leur répondre. « Nous voulons que notre clientèle puisse nous « parler » sans devoir attendre — en particulier quand il s’agit de questions simples. »

Si cet assistant virtuel s’avère efficace, il permettra non seulement d’améliorer l’expérience client mais aussi à la Banque de fonctionner plus efficacement — en libérant ses conseillers et agents du service à la clientèle — pour qu’ils puissent s’occuper de sujets requérant une « véritable » intelligence.

Mais ce n’est pas tout. Autre exemple : la « Plateforme mondiale d’intelligence artificielle », lancée en novembre 2020. Cette infrastructure permet à l’entreprise d’offrir plus rapidement de l’information à ses clients et de leur prodiguer de meilleurs conseils — grâce à l’apprentissage automatique qui contribue à la compréhension et même à la prédiction de leurs besoins. « Nous disposons d’un système sur place et d’un composant infonuagique en plein essor. C’est cette structure qui nous permet de faire nos analyses et d’héberger nos données. »

En janvier 2021, la Banque lançait un autre projet d’IA : le Cadre de stratégie opérationnelle d’analyses (SOFIA), un outil d’intelligence artificielle conçu pour aider l’entreprise à mieux comprendre qui, de ses clients, risquent le plus d’être affectés par l’incertitude économique. Ce système aident à mieux les servir grâce à sa capacité de prévision des flux de trésorerie.

Un mois plus tard, l’entreprise démarrait le C.MEE, un système qui utilise l’IA et les mégadonnées pour améliorer encore davantage l’interaction avec la clientèle. Grâce à sa plateforme mondiale d’intelligence artificielle, C.MEE analyse les données de tous les points de contact avec les clients (succursales, courriel, etc.) pour identifier les conseils qui conviennent le mieux à chaque interaction. Le système leur livre ensuite ses recommandations par leurs canaux préférés.

En prenant en compte les indices liés à l’activité des clients, C.MEE apprend et « comprend » de mieux en mieux leur comportement et identifie la période où ils se trouvent dans la vie — ce qui améliore évidemment la pertinence des conseils, explique Lee.

« Peu importe le système, l’intelligence artificielle nous permet donc d’accroître l’efficacité et de mieux saisir le sens des informations que nous livrent nos propres employés : qu’un client utilise ou non un mode assisté, il recevra en fin de compte un ensemble d’offres et de services beaucoup mieux adaptés et plus personnalisés. »

La structure organisationnelle : clé de l’adoption de l’IA à la Banque Scotia

L’un des principaux facteurs qui font que l’intelligence artificielle fonctionne chez Scotia est sa structure organisationnelle : dans l’entreprise, les responsables des données et de l’analyse relèvent d’un seul et même cadre supérieur.

La Banque emploie ainsi un DSI directement attitré à ces fonctions, responsable de la plateforme mondiale de données et d’analyse. Ce dernier sert également d’intermédiaire avec les autres directeurs de l’entreprise. Ainsi, lorsque l’établissement doit incorporer l’intelligence artificielle à diverses technologies, elle dispose d’un « interprète » entre ses différents services, dit Lee.

« Ce DSI gère aussi l’accouplement des anciens systèmes avec l’infrastructure moderne d’IA. Il nous permet donc de marier le vieux avec le neuf — de faire les bons compromis et d’avoir un effet direct sur nos clients et employés. »

Données, analyse, technologie : le triple pivot de la stratégie

« Ces trois piliers se sont révélés essentiels à notre adoption de l’intelligence artificielle, dit Lee. C’est moins une question de capacité que de modèle opérationnel. Notre stratégie — rester pragmatiques tout en étant ambitieux – nous a fort bien servi. L’IA est bien intégrée dans nos équipes techniques et nous avons les bons pipelines de données pour faire durer l’ensemble. Nous modèles sont construits de manière à respecter tout le système. Nous avons créé un véritable partenariat entre ces trois groupes de l’entreprise. »

L’équipe de Grace Lee a besoin d’une gigantesque quantité de données pour construire ses modèles; le lien étroit entre données et analyse s’avère donc extrêmement important. Il garantit une chose : quand l’équipe doit nourrir ses procédés d’intelligence artificielle, elle le fait avec des données et des pipelines appropriés. « Ces groupes travaillent main dans la main pour s’assurer que nous ayons accès à une base bien gérée et de grande qualité », dit-elle.

« Nous avons trébuché à plusieurs reprises parce qu’au début, nous cherchions à faire de l’IA sans ces partenaires. Nous pouvions très bien recueillir toutes les données imaginables pour construire nos modèles. Mais pour ce qui était de les entretenir et de les mettre en pratique — dans l’automatisation du marketing ou ailleurs, c’était une tout autre histoire. Le processus s’est révélé extrêmement complexe, vorace en ressources et sujet à erreur. »

La Banque Scotia a appris cette leçon à la dure, et essuyé plusieurs échecs en cours de route. Ce qui semblait une excellente idée au départ — construire rapidement ses modèles — s’est avéré irréaliste du point de vue entretien et exécution. « Mais en s’associant aux groupes de données et de technologies, les modèles analytiques ont soudain émergé; ils étaient non seulement faisables – mais durables. »

Traduction par Daniel Pérusse